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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mardi 27 mars 2 27 /03 /Mars 17:44

Out of stock 2Out of stock, rupture d'approvisionnement, "y en a plus !", finito, nada, nib, zéro, urot in Visayas, se chante en refrain, choeur et canon aux Philippines.

Parfois drôle, souvent irritant, toujours frustrant, c'est une fatalité avec laquelle il faut composer.

Faire avec... et surtout sans.


Au supermarché.

Sur ma liste de courses figure en troisième position : tampons. Je tourne et vire en pure perte entre les rayons. De guerre lasse, j'arrête un vendeur.

- Excuse me... Tampons, please ?

Il me fixe d'une pupille vide. "Tampons", oui, il connaît le mot. Mais non, il n'a aucune idée ce que je cherche.

Un tampon encreur, peut-être ?

Un sceau gravé à mes initiales ?

Des boules d'ouate pour la toilette ? 

Je le détrompe. Je lui explique. À peine ai-je prononcé le mot "règles" que le jeune homme vire au blanc, puis au cramoisi. Au-dessus du col amidonné de son uniforme, son visage semble repeint à la confiture de fraises.


Toujours cette fichue pudeur philippine pour tout ce qui touche au corps et pire, à son intimité. Et pire encore, lorsqu'une femme parle à un homme "d'affaires de femmes".

Mon vis-à-vis jette des regards paniqués à la ronde. À croire que je lui ai proposé une sodomie au rayon crudités. Le bégaiement aux lèvres, il guette une porte de sortie entre les présentoirs. Se jetterait bien à plat ventre sur le carrelage pour ramper, façon parcours du combattant, sous les caddies.

De toute évidence, il prie pour qu'un collègue vienne le tirer d'embarras. Une femme si possible parce que les tampons, ça doit être son rayon. Même si elle n'en utilise pas vu qu'ici, s'introduire un corps étranger dans le vagin tient de la répulsion.

Hélas pour mon vendeur, le deus ex machina tant espéré ne se produit pas. Et hélas encore, pétrifié de politesse ou de gêne, il n'a pas les ressources pour m'échapper.

- Then ? ai-je le mauvais goût d'insister.

Cette fois, c'en est trop. Le pauvre garçon s'enfuit en crachant sa réponse sur un seul souffle :

- OUT... OF... STOCK, Mâ-âm !!

 

 

Out of stock 331 décembre 2011.

La nuit pâlit derrière les palmiersTrop tôt ou trop tard ? Une simple question de point de vue.

Exténuée, saoule de trop de mots, de musique, de vin, de champagne et de rhum, front contre les étoiles et pieds couverts de sable, je remonte lentement la route de la plage.

Vite, un habal-habal et je suis chez moi. Enfin.


Par chance, quelques-uns patientent à la station du carrefour. Certains assis sur un court banc de bois, la plupart allongés sur le siège de leur bécane, orteils en éventail sur le guidon.

Je les réveille d'un tonitruant :

- Bonne année !!

Leur réponse ne tarde guère :

- Where are you going, Mââm ?

Je lance ma direction comme une bouteille à la mer. Les chauffeurs se concertent pour me désigner l'un d'eux. Encore à moitié endormi, celui-ci s'avance dans une pétarade.

- Had a good time, Mââm ?

Je confirme en me massant les tempes. Monte sur le siège, m'agrippe au porte-bagages, ignore l'habituel "enlacez le conducteur !" et donne le top départ.


La moto rugit, s'élance. Et, deux cent mètres plus loin... s'arrête.

Rapide inspection de la chaîne. Non, ma robe n'est pas coincée dedans. Je l'aurais d'ailleurs senti.

Vérification du tableau de bord. Impossible d'y lire quoi que ce soit, le contact est coupé et toutes les aiguilles sont cassées.

Tour de clef pour redémarrer.

Le moteur a un hoquet, le métal un soubresaut avant de mourir entre nos cuisses.

Le Philippin tape le guidon à la façon d'un lumineux "j'ai compris !". Pouffe, se retourne et me lance, un coin de la bouche relevé en un sourire, l'autre abaissé en une virgule de déception :

- Sorry, Mââm... Gazoline out of stock !

Plantée tel un fanal dans ma robe blanche, je me retrouve seule sur la route.

 

 

Out of stock23 janvier 2012.

Le voyage pour rejoindre mon samouraï commence ici, juste devant chez moi.

Le tricycle qui devait me conduire à l'aéroport m'a oubliée. À moins qu'il n'ait trouvé, en chemin, un autre client.

Par chance, il ne pleut pas. De fait, un véhicule finira bien par passer et m'emmener. Une puti (une blanche) lestée d'un gros sac en bord de bitume, le message semble assez clair. Comme si j'avais placardé "auto-stoppeuse en besoin urgent" sur mon front.

Ca, c'est la théorie.

Parce qu'en pratique, que pouic.

Les minutes défilent. Aggravée par ma trop courte nuit, une nervosité sèche me gagne. J'ai beau avoir calculé large pour le trajet, mon temps de sécurité se raccourcit dangereusement. Et je ne veux pas, pour rien au monde, rater ce vol pour Manille.


Une moto pile à ma hauteur.

- Need a ride, Mââm ?

J'acquiesce soulagée. Mais au nom de la grande ville, le conducteur se rembrunit. Il me dépannerait volontiers, mais voilà : il n'a pas son permis sur lui. Ou pas de permis tout court. Et vu les barrages de police aléatoires, il refuse de courir le risque d'être contrôlé.

Moi aussi, en fait.

J'attends encore. Cinq minutes. Dix.

Enfin, une autre moto ralentit. Cette fois, le chauffeur est en règle et moi en retard. J'explique que mon avion décolle bientôt. Il accélère.

Je me croyais tirée d'affaire.

J'avais tort.


À mi-trajet, nous jouons retour vers le futur.

La moto halète comme un vieux cheval, tousse comme une tuberculeuse, rend son âme mécanique dans un pathétique "pof pof".

Je grince à bout de nerfs : 

- Gazoline out of stock ?

- Oh, yes, Mââm. Out of stock, gazoline !

Pincez-moi je rêve... Mais non.

Terminus, tout le monde descend.

Je m'empare de mon sac, le Philippin de sa moto. Il pousse, je porte. Cahin-caha sur deux kilomètres, jusqu'au prochain sari-sari devant remplir deux conditions : être ouvert et vendre de l'essence. Pas à la pompe, bien sûr, cet équipement coûte trop cher.

Et je vous mets quoi pour la route, ma p'tite dame ?

Deux bouteilles de soda remplies de pétrole, s'il vous plaît.

J'ai eu mon avion de justesse. En stoppant devant l'aéroport, le chauffeur m'a dit d'un air malicieux :

- If plane out of stock, Mââm, I drive you back !

(S'il n'y a plus d'avion, Madame, je vous reconduis !)

 

 

Out of stock 5Une après-midi de 2011.

Je marche en listant ce que j'ai oublié chez moi, à une demi-journée de voyage.

Mon téléphone, le câble de mon IPod, un tee-shirt pour dormir, du lait pour le corps. Seul ce dernier est facilement remplaçable. D'autant que là, au coin, se tient un petit supermarché.

Je pousse la porte. Ici, pas de produits destinés aux étrangers. C'est philippin pur jus, ce qui ne me pose aucun problème.

A priori, car j'ai omis un détail : l'obsession du blanc.


En Asie comme en Afrique, être blanche, c'est être belle.

Presque tous les savons, gels douche, crèmes et cosmétiques ont une action blanchissante. Et si un fond de teint ou une poudre n'en a pas, ils sont pâles, d'une couleur jurant avec les carnations foncées. Rendant même ridicules les femmes qui en abusent, involontaires actrices de Nô* au masque blanchâtre, parfois croûteux, apposé sur leurs faces.


Les tropiques m'ont légué la peau caramel. Pas question de me tartiner de lait éclaircissant, de me réveiller zébrée ou de risquer l'allergie*. Mais sans surprise, une fouille approfondie du rayon "soins du corps" me laisse bredouille.

Je demande tout de même à une vendeuse. Qui, ne me comprenant pas, tente de se débarrasser de moi d'un laconique :

- Out of stock, Mââm.

J'insiste. J'explique encore. Pas de blanchissant. Bronzée je suis et veux le rester.

La jeune femme plisse un front buté, comme incrédule. J'ai l'impression d'entrer dans son cerveau pour l'entendre penser :

"N'importe quoi, ces étrangères ! Elles ont qui la chance d'être nées blanches, elles veulent donc devenir ou rester... noires ? S'enlaidir ?"

Elle a compris sans comprendre, ni changer sa réponse d'une syllabe :

- Out of stock, Mââm.

"Non, pas out of stock ! ai-je eu envie de protester. Out of stock, ça ne marche que pour les produits référencés un jour en rayon !"

Or, du lait non blanchissant, ce supermarché n'en a jamais eu.

 

 

Out of stock 6D'autres jours...

Un ami de Bertille a besoin de 40 m2 de carrelage pour le salon de sa nouvelle maison. Le magasin lui en a livré 32, les huit derniers sont...

... out of stock.

Mais qu'il se rassure : il pourra compléter avec d'autres carreaux. Si la chance lui sourit, il trouvera - presque - le même motif.

 

La mercerie propose des rubans dans des teintes classiques et plus improbables. Violet d'automne, jaune poussin malade, rose fuchsia églantine, blanc devant marron derrière...

Les noirs, quant à eux, sont...

... out of stock.

 

Le cordon de mon disque dur ?

Out of stock.

L'ordinateur portable figurant pourtant au catalogue du magasin ?

Out of stock.

Le Lonely Planet des Philippines aux Philippines ?

Out of stock.

 

Avec Bertille, on compare. On s'en plaint. On en rit. D'autant plus depuis qu'elle m'a dit :

- Et factory defect*, tu ne la connais pas, celle-là ?

Euh... Pas encore. Mais je l'attends de pied ferme.

Une femme prévenue en vaut deux, pas vrai ?

 

 

 

* Nô : style traditionnel de théâtre japonais.

* Étant bourrés de composants chimiques, les produits blanchissants abîment la peau et peuvent provoquer des intolérances et/ou réactions allergiques.

* Défaut d'usine.  

 

2e photo : Walker Evans ;

4e : Horst P. Horst ; 5e : Issei Suda.

Par Chut ! - Publié dans : Une vie aux Philippines - Communauté : les blogs persos
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