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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Jeudi 4 avril 4 04 /04 /Avr 18:53

What for 1Les larmes de Bertille se mélangent à l'eau salée. Mon amie s'essuie les yeux en vain. La vague qui déferle sur nous la gifle pour mieux retremper ses paupières.

Je lui tendrais bien un mouchoir, mais que faire d'un mouchoir en plongée ?

Évidemment que je n'en ai pas.

Bertille et moi dérivons dans le courant. Orange délavé, nos marqueurs de surface* s'entrechoquent en crevant à grand peine la masse liquide.

De près comme de loin, on jurerait deux verges à l'érection chancelante.


À l'horizon notre bateau à balanciers n'est qu'un point. Dès la mise à l'eau le courant nous a empoignées et, par 25 mètres de fond, emportées de plus en plus bas.

30 mètres, 31, 32, 33...

Nous luttions pour remonter tandis que le fond sableux s'éloignait à toute allure. Bientôt nous le perdrions tout à fait de vue.

J'ai proposé à Bertille de palmer vers la côte.

Elle a refusé et pointé son pouce vers la surface.

En réponse mes doigts ont dessiné un rond. Le OK des plongeurs.

20 minutes, la plongée la plus courte de notre amitié.

Et nous voilà le ventre douloureux, la poitrine bloquée, la gorge serrée.

Bouche grande ouverte vers le ciel, Bertille hurle.

Je hurle en écho.

Minuscules silhouettes filant dans le bleu sous l'implacable soleil, nous hurlons.

De rire.

 

En attendant que le bateau vienne nous chercher, j'ai parlé à Bertille de Pio. Pio, l'apnéiste dont elle avait remarqué l'arrivée au dive shop.

Vrai qu'il est difficile de ne pas remarquer Pio, ses épais cheveux bruns encadrant son visage de médaille, ses lèvres charnues et sa peau bronzée, ses épaules puissantes et ses fesses musclées.

Où qu'il aille, Pio attire l'attention des femmes.

Dès le premier regard Pio m'a plu.

Dès le premier regard je l'ai voulu sans trop y croire.

J'avais tort puisque la nuit nous trouva dans le même lit. La nuit d'après aussi, entrelardée de deux longues journées.

Deux journées à m'imprégner de Pio, à le regarder jusqu'à plus soif, à le désirer jusqu'à plus faim, à cheminer sur ses muscles et à dessiner son profil.

Au troisième jour son visage m'était presque aussi familier que le mien.

 

What forPio pourrait avoir l'assurance facile des hommes presque trop beaux.

Heureusement il n'en est rien.

Sinon je ne l'aurais plus désiré du tout.

Agaçants, ces hommes-Narcisse en pâmoison devant leur propre reflet.

Irritants, ces bellâtres contemplant les femmes les contempler.

Loin de tirer avantage de ses atouts, Pio est réservé, mesuré, timide, secret. Et Pio a parfois de drôles de réactions. Inattendues. Étonnantes. Déconcertantes.

Candides, même. De celles qui vous font lever les yeux et tomber les bras.

C'est pile pour cette raison que Bertille rit à s'en étrangler, à s'en étouffer, à s'en péter la glotte et le gilet. Et que moi, emportée par ses irrésistibles hoquets, je me comprime les côtes à les briser.


La dernière nuit Pio était en moi lorsque je dis :

- J'ai envie que tu m'encules.

Pio n'a plus bougé.

Pio n'a pas dit "oh yes", ni "no way". Ni "j'adore", ni "je déteste". Ni "ça me dégoûte", ni "oh, quelle bonne idée !". Ni "ce serait ma première fois", ni "c'est mon fantasme", ni "allons donc !".

Non. Pio n'a rien dit de tout ça. 

Pio a simplement dit :

- T'enculer... Mais pour quoi faire ?

 

 

* Marqueur de surface : longue saucisse reliée à une bobine, qu'un plongeur remplit d'air pour lancer à la surface avant de remonter. Ce dispositif indique aux bateaux qui passent que des plongeurs se trouvent en dessous, et permet à notre propre bateau de nous repérer.

 

Photo : Chas Ray Krider.

Par Chut ! - Publié dans : Classé X - Communauté : les blogs persos
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