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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Dimanche 12 janvier 7 12 /01 /Jan 17:31

Le début ici.

 

Une belle journée 4 Après avoir déambulé dans les rues, Basile et moi mangeons au marché. C'est un bonheur de le voir ouvrir des yeux immenses, s'imprégner des odeurs, humer les parfums, écouter des phrases dont il ne saisit pas un mot, boire son thé chinois avec la même soif que les saynètes du quotidien.

Des stands montés sur roulettes aux nouilles sautées au wok, tout est neuf pour lui. Sa joie, sa curiosité, ses questions me propulsent à l'époque où je voulais si intensément tailler la route.

L'Asie m'était alors aussi mystérieuse qu'étrangère.

L'enthousiasme de mon compagnon me rappelle mon premier périple, l'émerveillement de chaque journée, l'incompréhension parfois.

Son attitude aussi me plaît : il observe sans juger, sourit sans critiquer, ne hurle pas à la vue des rats en goguette sous les étals. Loin de se sauver, il dégustera ce premier repas jusqu'à la dernière bouchée.


La suite de notre promenade nous mène dans un temple hindou. Par chance une cérémonie va commencer. Assis côte à côte sur le carrelage froid, nous nous laissons bercer par les litanies des prêtres.

Basile se passionne pour les instruments des officiants. Leur bois est magnifique, leur son inattendu. De quoi réveiller son amour pour la musique.

Entre deux prières, deux accords, je l'observe à la dérobée. Aux anges, son âme semble se peindre sur son visage. Pure, entière, d'une bouleversante beauté, d'une félicité si complète qu'elle m'éclabousse.

Interceptant mon regard, Basile me sourit. Je lui souris en retour. Partage silencieux d'un moment rare. Si je n'étais déjà à genoux, je m'y jetterais pour remercier le hasard, la chance ou le "grand horloger" de m'avoir fait rencontrer cet homme et vivre cet instant.

 

Au sortir du temple nous nous séparons. Mon compagnon veut faire quelques courses et moi me reposer. J'achète en passant une glace à la vanille et des putu bambu, une spécialité à la noix de coco que je m'étais promis de goûter. Elle se mariera à la perfection avec l'âpre café de l'hôtel.

À peine ai-je entamé mon quatre-heures que Basile reparaît.

- On partage ? dis-je en lui désignant mon assiette.

Et nous partageons, mais bien davantage que des gâteaux. Au fil des heures dans le salon, sur la terrasse en nid d'aigle, dans un boui-boui ouvert 24 heures sur 24, nous échangeons des bouts de nos vies, des anecdotes et de longues histoires, des cigarettes et un curry, des opinions et des confidences, des émotions et des fous rires.

 

Une belle journée 6

Je propose à Basile quelques infos pour simplifier la suite de son voyage. Des adresses de guesthouses, le nom d'un Canadien qui accueille des woofers* en Thaïlande, mes coordonnées complètes.

Il me tend un carnet chiffonné.

- Note tout ici, s'il te plaît. Je ne sais pas me servir de ma tablette.

Je glousse et pour l'amuser sors mon téléphone, un modèle antédiluvien juste bon à recevoir des textos.

- Ah ah ! Toi aussi, tu préfères l'incassable au moderne ? Mes amis désespèrent, je dois être le seul de ma génération à ne pas avoir de compte Facebook...

- ... Et tu as bien raison !

Alors que je lui rends son carnet rempli, il s'esclaffe :

- Waouh, en une soirée j'ai obtenu ton mail et ton téléphone ! Je m'épate ! Un exploit pour un gars infichu de draguer...

À mon tour de rire en lui taisant que draguer, il n'en a pas besoin. Sa spontanéité et son manque d'assurance le rendent charmant, si attirant que peu de filles doivent y rester insensibles.

Qu'elles le montrent est en revanche une autre histoire.


Plus tard, Basile manque de s'étouffer de rire en apprenant que jadis, j'ai rédigé des horoscopes.

- Mais comment faisais-tu ?

- Au hasard, selon l'humeur. Mes prédictions valent bien celles de pseudo-voyantes, non ?

- Alors dites-moi, Madame l'astrologue... Comment s'annonce demain pour les sagittaires ?

- Mmmh, laisse-moi réfléchir.

Je fixe Basile d'un air pénétré, étrécis les paupières et affirme d'un air docte, index levé :

- Demain ? Une belle journée pour les sagittaires, à n'en pas douter ! 

Mes derniers mots se noient dans nos hoquets. 

 

Une belle journée 5

Ma différence d'âge avec Basile a beau être importante, elle se sent à peine. Il est vif, drôle, sensé, bien plus mûr que sa petite vingtaine.

Ses voyages en Amérique du Sud, ses amours et son expatriation aux antipodes d'une famille solide et aimante lui ont trempé le caractère.

Il a l'esprit alerte de ceux qui ne se satisfont pas d'à peu près, une intelligence aiguë qui ne craint ni la solitude ni la contradiction, une tolérance qui lui interdit d'affirmer posséder la vérité, le courage de questionner ses choix et de se remettre en cause.

Son visage lisse abrite la maturité d'un homme presque fait et la promesse d'un homme en devenir.

Si je me réjouis de l'avoir croisé, je me désole de devoir déjà le quitter.

Je ne veux pas aller me coucher.

Je ne veux pas que notre tête-à-tête s'achève.

Je veux repousser les frontières de la nuit et ne pas partir au matin.

 

 

Au fond du couloir Lucia dort depuis longtemps. Livrée au sommeil de ses résidents, la guesthouse est déserte. Seul le réceptionniste doit être, en bas, fidèle à son poste.

J'ignore la migraine qui pulse à mes tempes, la fatigue qui me vrille l'échine, les kilos de plomb qui me cisaillent les jambes.

Je sais que j'ai besoin d'aspirine et de repos, que mon sac n'est pas encore bouclé et que mes affaires traînent dans la chambre.

Je sais qu'après une nuit blanche, un jour entier de voyage est une véritable épreuve. Entre le train, le bus, l'aéroport, l'attente, l'avion et le taxi mon corps ploiera sous les courbatures et pour un peu, j'en pleurerais d'épuisement.

Je sais tout ça et je m'en fiche.

Presque.

Juchée sur le muret pile à l'endroit où Basile se tenait ce midi, je l'ai à présent face à moi. J'ai le pétillement dans ses iris, ses mots qui touchent juste, sa bouche fendue sur ses merveilleux sourires, ses mains qui parfois m'effleurent et ses cheveux que je n'ose peigner de mes doigts.

Et si soudain, j'osais ?

 

À suivre.

 

 

*Woofer : combinaison de "work" , travail, et de "roof", toit. Les woofers travaillent en échange de l'hébergement et de la nourriture, par exemple dans des fermes. Ce sont souvent des jeunes qui souhaitent vivre dans un pays à moindre coût. Certains ont une formation spécifique, d'autres non.

Par Chut ! - Publié dans : Eux
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