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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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Lundi 1 octobre 1 01 /10 /Oct 14:34

Pres de l'osEn ce moment je travaille Près de l'os, ou plutôt près de l'os sans italique ni majuscule. Près de l'os est la nouvelle devenue roman consacré à Pierrig, rencontré il y a cinq ans au Laos.

Cinq ans déjà.

J'étais pile à la bonne distance, croyais-je, pour couronner cette histoire d'un point final : ni trop loin pour qu'elle ne semble pas désincarnée mais lestée de son poids de chair, de désir et de souffrances ; ni trop près pour ne plus en pâtir.

Je le croyais et maintenant j'hésite, parce que le texte piétine.

Il y aurait bien des raisons objectives, mais sûrement la vérité est-elle ailleurs, interne à cette histoire dont je peine à me défaire, malaisé récit qui me ramène à des failles, des fractures, des bleus et blessures pas tout à fait cicatrisés.

Près de l'os exactement.

C'est con, ces entailles qui refusent de se refermer.


Un an et demi s'est écoulé depuis In Memoriam, billet-épitaphe à cette relation. Du moins le croyais-je. Billet qui, en tout cas, choqua quelques amis (et certainement des lecteurs de passage, mais eux quittèrent la page sans laisser de trace).

Ether, secouée, ne put le lire jusqu'au bout. Trop exacerbé, trop cru, trop tout. Le rôle que j'y jouais l'effrayait autant qu'il la mettait en rage. Elle me pensait déchirée par mes vieux démons, prisonnière consentante d'une spirale destructrice, revivant des violences anciennes sur l'autel - sacrificiel cette fois - de la chair, poupée cassée ayant perdu et le contrôle et l'estime de soi.

Dorian, inquiet, me supplia de ne jamais plus m'exposer à un tel danger. Réel ou imaginaire, peu importait, il ne le supporterait pas.

Lorsque je le revis à Paris, il ajouta :

- Heureusement que je n'ai jamais croisé Pierrig... Je lui aurais cassé la gueule, à ce connard !

Je souris.

- À connard connasse et demi, non ?

Pierrig, son indifférence affichée envers moi en dehors du sexe, son j'm'en foutisme blessant et ses manques de respect au quotidien portaient sans doute le poids de cette fin calamiteuse. Que justice cependant soit faite : il n'était pas le seul. Je devais bien avoir dans ce fiasco ma part de responsabilité.

Moins évidente, certes.

 

Pres de l'os 2terUn silex seul ne produit pas du feu. Pour l'embrasement, il en faut un autre qui vient le heurter, s'y frotter, lui soutirer l'étincelle.

Moi je suis cet autre, ce complément qui l'enflamme en dépit de toute logique, de la distance, des incompréhensions et des disputes. Certaines cheminent longtemps avant d'être comprises, même avec une pomme de discorde disséquée noir sur blanc.

Pour nous, cela prit un semestre entier. Jusqu'au jour où, brisant notre mutuel silence, Pierrig m'écrivit pour reconnaître ses erreurs et demander pardon.


Sa démarche m'étonna. Si nombre de gens avouent leurs torts, c'est souvent en secret. La honte ou la fierté les retient d'en informer leur "victime".

Puis le temps passe en diluant leurs offenses, supposent-ils.

Solliciter un pardon n'est néanmoins pas s'abaisser. C'est au contraire une marque de force, une preuve d'humilité et l'acceptation (délicate) d'une fragilité. Aux pieds de l'autre déposer l'armure, entrebâiller la carapace afin de se montrer vulnérable.

Quitte à morfler.


L'initiative de Pierrig força mon admiration, ressuscita un peu de son image d'avant Taïwan : un homme de parole et de confiance, juste et droit dans ses bottes.

Ses excuses me soulagèrent. J'eus l'impression d'une distorsion remise d'aplomb, d'une injustice trouvant enfin réparation. Comme si mon univers avait jusque-là été bancal, gauchi par un poids qu'habituée à porter, je ne sentais plus.

Sa perception fut par défaut, quand Pierrig me l'ôta des épaules.

Ainsi le contact fut-il renoué. Timide, au coup par coup, sans déclarations ni promesses. Matous échaudés craignent l'eau froide. Surtout moi, revenue de Taiwan couverte d'ecchymoses, plus terne qu'un caillou et déchirée qu'une vieille guenille, envahie par le vide et la douleur de la perte, écrasée d'un nouveau deuil à faire. Pas celui d'un mort mais d'un vivant qu'une semaine plus tôt, je serrais entre mes bras.

Envie de hurler de rage et de désespoir.

De me terrer sous les draps, de fermer les paupières et de dormir, dormir, dormir.

De vomir mon désarroi et ma colère.

D'en submerger cet homme pour le punir.

De témoigner à défaut de digérer.

D'écrire pour moi et des lecteurs anonymes ce gâchis de Taïwan. Pour en tirer une histoire au lieu d'une leçon, un roman au lieu d'un testament. Pouvoir d'évocation, de guérison peut-être, des mots qui, alignés, forment le fil de la vie qui jour après jour, obstinée, se poursuit en dépit du découragement et de la sensation d'être mort. Mort dedans.

À quoi bon ? À quoi bon rien, puisque plus rien n'a ni sens ni saveur. Et qu'on se fiche de tout, à commencer par notre personne.


Pres de l'os 2bisMi-décembre, Bertille m'avait accompagnée guillerette à l'aéroport.

Elle m'y retrouva effondrée fin avril, s'évertuant à saisir le pourquoi de cet écroulement du toit aux fondations.

Difficile d'expliquer aux autres ce qu'on peine à se formuler à soi-même.

 

Au récit de mon séjour, Ether grinça des dents. À son avis, maux et remèdes étaient simples : Pierrig m'avait négligée, maltraitée, humiliée, comportement de pur égoïste ne méritant pas une larme.

Qu'il gicle donc, et séance tenante, de mon existence.

Difficile de s'en tenir à la posologie quand on est plus malade qu'un chien.

 

À l'époque mon ange était revenu aux Philippines. Voyage de la dernière chance après une rupture en queue de poisson, pour me voir et savoir si le glas avait vraiment sonné.

Difficile de ne pas ajouter la cruauté à sa tristesse. La tête emplie de Pierrig, je brûlais de lui en parler, ravalais son nom cuisant mes lèvres, me les mordais pour ne pas l'en laisser s'échapper. Ma voix, mes yeux m'auraient trahie.

Cet homme-là n'était pas un parmi d'autres, mais un qui avait précipité notre séparation.

Mon ange l'ignorait. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.

 

À l'époque j'étais avec Mingus. Lui à Amsterdam, moi en Asie, deux continents pour une relation ouverte : il avait Clarisse, j'avais Pierrig. Clarisse marquait les cuisses de mon amant de ses talons ferrés, Pierrig mon dos, mes seins, mes fesses de ses paumes, de ses ongles, de sa ceinture.

Parfaite symétrie que Mingus rechignait à accepter.

Difficile d'accorder aux autres les libertés dont on jouit soi-même, surtout dans un cas si particulier. Mon hareng hollandais savait qu'à Taïwan, je souffrirais. D'un mal que je chérissais, soit, mais d'un mal quand même. Sévices consentis, souhaités, appelés, provoqués, heurtant sa conception du rôle de compagnon, s'opposant à son tout nouveau besoin de me protéger.

Partager de son plein gré la femme aimée avec un autre, soit.

Mais accepter, toujours de son plein gré, que cet autre la malmène, l'insulte, la frappe... Si le masochiste en Mingus comprenait, l'homme en lui se révoltait.

Mon envol pour Taipei le laissa face à ses contradictions.

Mon retour aux Philippines l'accula à un abîme de questions, de doutes, de peurs.

 

Pres de l'os 4Avec mon amant j'avais outrepassé mes limites, approché des zones troubles, dangereuses, fangeuses. Plongé dedans, même. Réveillé le monstre, nourri la bête sans que Pierrig ne s'en doute. Lui se tenait hors de cette dimension-là.

C'était ma vrille à moi, accomplie à mes dépens, à ceux de Mingus aussi.

Celui-ci ne comprenait pas ce vertige qu'il qualifiait de délétère. S'en alarmait comme un médecin qui, faute de posséder le traitement approprié, pleurait sur un cancer incurable.

Mon jusqu'au-boutisme l'effarait, mes excès l'angoissaient, mes propos l'horrifiaient. Il y lisait une exaltation malsaine, une glorification morbide d'un stupide sacrifice, de nauséabonds relents d'une religion déplacée.

Parce que les mots collant à mes ressentis, c'étaient des mots sacrés.

Prière. Ferveur. Adoration. Célébration. Joie. Communion, offrande, oblation.

Sacrifice, oui.

Comment moi, la païenne, pouvais-je tenir un tel langage ?

Avais-je donc égaré la raison en même temps que ma culotte ?

 

J'ai blessé Mingus, je crois. Sans le vouloir ni le choisir pulvérisé notre contrat.

Je ne m'étais pas que donnée, je m'étais abandonnée. Corps, coeur et âme à un autre qui ne m'aimait pas. Ne me méritait pas, selon lui. Et qui, pire, m'avait en retour foulée aux pieds.

Comme Dorian, mon hareng hollandais avait sûrement fulminé :

- Si je croise ce connard, je lui rectifie le portrait !

L'histoire aurait dû stopper là, sur une cassure nette et sans bavures.

Et pourtant...

 

À suivre ici.

 

 

En rédigeant ce billet, j'ai à plus d'une reprise pensé à Stan/E. Comme dans la chanson de Jeanne Moreau, j'ai sûrement la mémoire qui flanche, mais je n'ai pas souvenir de billets traitant des ressentis du mari/compagnon/amant en titre d'une dame/demoiselle volontaire pour une fessée - et autres sévices.

Comment les "légitimes" acceptant que leurs compagnes réalisent ces fantasmes sans eux le vivent-ils ?

Bien que consentants, en sont-ils peinés, inquiets ?

Certains demandent-ils narration de ces séances ? Ou la majorité préfère-t-elle les laisser enveloppées de mystère et de silence, partant du principe qu'il s'agit d'un jardin secret ?

Où s'arrête la confiance, où débute la méfiance ?

Mon billet ne traite pas tout à fait de ce sujet mais je m'interroge. Et les interroge. Du même coup, si j'ose dire.

 

 

Photos : Marcel van der Vlugt, image du film Marie Soleil (1965),

Heinz Hajek Halke, Jean-François Jonvelle. 

Par Chut ! - Publié dans : Pierrig, près de l'os - Communauté : les blogs persos
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