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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Jeudi 20 mai 4 20 /05 /Mai 13:22

Soleil traitreDe tous les passagers, il était le seul à porter un jeans, une chemise et un blouson. On aurait dit qu’il revenait d’Europe ou du désert. Il portait aussi un sac, très petit pour des mois de voyage, presque aussi léger que le mien pour la nuit que j’avais prévu de passer avec lui. Ca, il ne le savait pas. A vrai dire, moi non plus je n’en étais pas persuadée.

 

Tandis qu’il s’avançait sur le ponton, je me surpris à le trouver très grand. Quel que soit le continent, à chaque fois sa taille me surprenait. Il était plus bronzé que jamais, avec davantage de rides autour des yeux. La faute à ce fichu soleil des tropiques qui nous grille la peau.

La faute aussi à tout ce temps qui entre nous avait passé, nous apportant et nous prenant beaucoup.

Assise sur le banc dur où j’aimais à regarder la mer, je finis d’un trait mon jus de pastèque. Me levai pour marcher à sa rencontre. Nul besoin d’agiter la main ni de crier son prénom en pleine foule. Il m’avait déjà vue.

Lorsque nos joues se frôlèrent, je m’aperçus à quel point il m’avait manqué.

 

Nous traversâmes l’île juchés à l’arrière d’un pick-up. Les cahots de la route nous projetaient l’un contre l’autre. La fumée de nos cigarettes se mêlait dans le grand vent.

A la montée de la colline, l’air fraîchit un peu.

Avait-il faim, soif, envie de se baigner, de dormir ?

Il secoua la tête. Hormis poser son sac, il ne savait pas.

- C’est ici, dis-je en sautant du véhicule.

Nous nous dirigeâmes vers un de mes endroits préférés. Blue Wind, le vent bleu, ce nom parlait d’océan et de voyages mieux que je n’aurais su le faire. Ici j’avais également passé le plus clair de mon temps, empruntant chaque matin le chemin tracé sur le sable, chavirée de voir la mer surgir entre les palmiers.

J’aurais voulu lui réserver un bungalow, il n’y en avait plus. En tout et pour tout restait une chambre au premier étage d’un bâtiment. Béton brut réchauffé de bois sombre, escalier pentu sans garde-corps, lourde clef d’acier à faire tourner dans la serrure.

En montant, je trébuchai sur une marche. Nous rîmes. Là aurait pu être mon dernier voyage en ultime bascule, cou rompu sur le ciment.


Je poussai la porte. Face à nous, un grand lit à baldaquins tendu d’une moustiquaire. Le blouson, la chemise, le jeans lui tenaient soudain trop chaud.

- Ca te gêne si je me mets nu ?

Je levai un bras indifférent. Jetant ses vêtements au sol, il ne se déshabilla qu’à moitié, passa dans la pièce voisine. C’était un drôle de réduit tout en bois accolé à la salle de bain.

« Un ancien sauna », pensai-je.

Son dos était long, musculeux, creux et bosses identiques à mon souvenir.

Entre la première fois et ce moment-là, tout avait changé, mais rien n’était au fond si différent.

Alors que les cataractes de la douche le lavaient du voyage, le savoir si près, nu, me troublait. Mais au lieu de le rejoindre, je m’assis sur le lit pour l’attendre.

 

Nous revînmes du restaurant à la nuit tombée. Montâmes l’un derrière l’autre l’escalier sans rambarde, passâmes par la terrasse pour grimper sur le toit. Sur la nuit d’encre la lune dessinait une virgule jaune, vaporisant sa lumière sur un fil électrique. On aurait juré un demi-citron en carton-pâte oublié par un accessoiriste négligent.

Sa longue silhouette restait immobile dans l’obscurité. Et dans l’obscurité nous nous regardions sans nous voir, enveloppés du bruissement des cigales en palpitation de poing ouvert puis refermé. Nous ne parlions pas, ou pas vraiment. Il n’y avait pas besoin de mots pour habiter ce silence-là.

Je m’appuyai au rebord du toit. Sous ma main, une tuile était cassée.

Lorsque je me relevai pour m’approcher de son ombre, il murmura :

- Je suis tenté…

Je tombai entre ses bras.

Par Chut ! - Publié dans : Pierrig, près de l'os
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