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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mardi 3 avril 2 03 /04 /Avr 19:26

ChildhoodJ'étais une enfant étrange. Une fille unique plongée, déjà, dans les livres et noyée, déjà, dans son monde intérieur.

Torturée et ultra sensible, timide et casse-cou, parfois violente et dotée d'une imagination débordante.

Sujette aux cauchemars et aux peurs irraisonnées, terribles, inracontables.


Peur panique de la perte rendant réelle la mort de mes proches.

Qui me poussa, une nuit d'enfance, à me jeter dans la rue en pyjama.

Qui me fit m'effondrer au retour d'une promenade. Tandis que mes grands-parents s'attardaient auprès d'une voisine, je rentrai à leur chalet, me heurtai à sa porte verrouillée et patientai une demi éternité.

Ce temps se chargea peu à peu de plomb. J'eus l'impression que le ciel l'été virait au noir, la température à l'hiver. Glacée, tremblante, je guettai l'entrée du jardin sans oser quitter ma place de sentinelle. Si papy-mamie revenaient, ils s'inquiéteraient de ne pas me voir.

Mais ils ne revenaient pas.

L'affolement me gagna.

J'imaginais une chute ou un accident. Puis une mauvaise rencontre sur le chemin. Un rôdeur les détroussant, un vagabond les traînant de force dans les bois. Peut-être, même, un bagnard en cavale les torturant pour le plaisir.

Trop gentils, trop faibles, trop âgés pour se défendre, mes grands-parents s'étaient fait massacrer. La mort était la seule explication possible à leur absence.

Sinon, jamais ils ne m'auraient abandonnée sur ce perron.

Je hurlais ma douleur lorsqu'ils arrivèrent. Effarés, incrédules, bouleversés de me voir sangloter comme une gosse perdue.


Peur phobique de la folie du monde et de sa violence.

Mes divagations se peuplaient de cambrioleurs, de tortionnaires, de criminels. Je craignais d'être espionnée, suivie, kidnappée, abusée, tuée. De trouver la maison ouverte et mes parents égorgés. Un cadavre sur mon tapis, du sang coulant des murs, une arme du crime dissimulée parmi mes affaires.

Il m'était impossible de regarder un film policier ou le journal de 20h00. Les récits de meurtre, les images violentes me prenaient à la nuque, déclenchaient des nausées, me paralysaient.

Un soir, au retour d'un concert avec mes parents, la radio annonça le massacre de trois campeurs. Aussitôt d'horribles visions se frayèrent un chemin sous mon crâne. Incapable de les repousser et happée par la nuit qui nous entourait, je me mis à pleurer, me raidir et étouffer.

La crise d'angoisse devint tétanie me conduisant à l'hôpital.

Enfant, je n'étais pas habitée par la peur, j'habitais la peur comme un pays en ruines.


Enfance 3 bisPour conjurer, j'avais des rituels. De plus en plus exigeants et compliqués, étendus par degrés à toutes les parcelles de mon territoire intime.

Les pensées à repousser tels des fantômes de peur qu'elles ne prennent corps.

Les vêtements à porter ou ne jamais mettre.

Les mots à taire ou à répéter, les formules magiques à réciter en mantras.

Les gestes défendus sous peine d'être amputée. L'obligation de rester pétrifiée sous les draps sans qu'un membre n'en dépasse. Sinon, ma chair découverte me serait arrachée. Par un monstre ou un rapace perché au-dessus de moi dans l'obscurité.

La veilleuse à allumer pour la nuit. Puis, quand elle tomba en panne, la porte des toilettes baignées de lumière à laisser ouverte sur ma porte à moi.

Le juste intervalle à calculer pour avoir assez de clarté sans m'empêcher de dormir.

 

Les actions à égrener en chapelets, dans le même ordre.

Marcher sur les carreaux blancs. Ne pas toucher les coins des meubles, mais toujours le bas de l'escalier avant de monter.

Regarder derrière les portes, puis sous le lit avant de me coucher.

Puis dans l'armoire entre mes vêtements.

Puis dans mon coffre à jouets.

Puis dans les boîtes de jeux.

Inévitablement une fouille en appelait une autre. Il y avait toujours une cachette oubliée, un interstice par lequel le mal réussirait à se faufiler. Ma tâche était de les chasser, les révéler à la lumière, les abolir.

Alors seulement je m'avouais rassurée.

Mais le barrage était friable et mon esprit tortueux. Sans relâche il débusquait d'autres sources d'infiltration, de possibles portes ouvertes sur l'horreur.

 

Les peurs revenaient, plus raffinées, plus intenses. Leurs montées d'un cran appelaient de nouveaux rituels plus complexes, plus efficaces.

Je n'en finissais pas de scruter, sonder, vérifier.

Comme si ma vie et celle de mes proches en dépendait.

Comme si tout manque se changerait en erreur fatale.

Tous ceux que j'aimais condamnés par ma faute, écrasante responsabilité à porter.

Superstitieuse et même davantage : habitée par une mission. Secrète, car si j'en informais mes parents, leurs réactions seraient prévisibles. Fébrile inquiétude de ma mère, railleries de mon père, incompréhension dans les deux camps.

Angoisses et secrets furent deux sceaux de mon enfance.

Tous les enfants, je crois, aiment jouer à se faire peur. À s'imaginer des horreurs et se les raconter pour effrayer les copains. À en rajouter pour les faire hurler.

 

Pour moi, la peur n'était pas un jeu. Elle fut un animal, ou plutôt un troupeau rétif à apprivoiser, plus difficile encore à maîtriser.


 

Enfance 2 bisEmportées avec l'âge dit "tendre", certaines disparurent.

D'autres restèrent, formes minorées des cauchemars qui, petite, me hantaient.

J'en dépassais d'autres par volonté et refus de les laisser m'emprisonner davantage.

Depuis longtemps je pense que nos plus grandes limitations gisent en nous-mêmes. Lie de noeuds, marc de tensions, dépôt d'angoisses nous bloquant l'accès à une vie plus pleine, interdisant des changements pourtant désirés, tenant nos projets en courte laisse ou coulés sous une chape de plomb.


Évoluer, grandir, croître, s'épanouir passent par l'affrontement avec nos peurs anciennes, primitives, enracinées, parfois héritées.

Lentement remonter les eaux de barrage pour revenir aux sources de soi.

Longuement s'y baigner pour se laver de nos scories.

Et en sortir purifiés.

Fortifiés.

 

 

 

Photos : Zhang Peng.

Par Chut ! - Publié dans : Bribes perso
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