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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
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Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Samedi 12 septembre 6 12 /09 /Sep 15:39

J'ai devant moi un oiseau ailes repliées.

Et moi aussi je suis un oiseau.

Bras croisés sur le torse, jambes fléchies, je glisse au ralenti. Chaque expiration me fait toutefois descendre un peu plus vite.


Légère douleur dans les oreilles. Je mâchonne le détendeur et avale ma salive, faisant doucement jouer ma mâchoire. Le petit plop caractéristique survient pour chasser la gêne.

Je peux continuer.

 

Un regard vers le bas. Le plateau de corail s'infléchit en pente douce pour tomber en un mur à pic. L'eau, bleu sombre, saturée de particules en suspension, devient noire.

Plus haut, perdus dans la distance, des silhouettes de poissons passent tels des spectres. L'ombre gracieuse d'une tortue nous survole avant de disparaître.


Des reflets argentés allument soudain l'obscurité. Un banc de sardines en feux follets, semblable à de petites torches argentées nous montrant la route.

Tout droit, plus bas.

C'est en effet là que, ombres aspirées par un abysse, nous allons.

 

L'oiseau se tourne vers moi. Je ne vois pas ses yeux, juste son pouce et son index se rejoindre en un rond parfait.

- Tout va bien ?

Je joins à mon tour les doigts pour lui répondre.

- Tout va bien.

Je range ma main à sa place, contre ma poitrine, et bascule sur le dos d'une simple torsion de cheville. Surtout éviter la précipitation, le moindre geste inutile, l'essoufflement qui me ferait brûler mon air plus vite.

Ma palme n'est pas un ajout à mon pied mais le prolongement naturel de ma jambe, ma nageoire terminale. Je n'aime d'ailleurs pas utiliser, comme beaucoup de plongeurs, les bottillons sur lesquels on ajuste la courroie des palmes. Je préfère de loin sentir ma peau agrégée au plastique. Lui et moi fondu en un corps unique.


Dos au noir, visage tourné vers la surface, je m'éloigne encore de la nappe agitée de vagues, miroitant sous le soleil comme une flaque d'or pur.

- Tout va bien ?

- Tout va bien.

Elle est pourtant là, cette oppression désormais familière qui comprime mes côtes et raidit ma nuque.

Nul besoin de vérifier mon profondimètre.

Je sais que nous avons largement dépassé les trente mètres et que je subis le poids de l'eau. A moins que cette constriction ne soit qu'un spasme de mon cerveau, qu'un effet de la narcose à l'azote.

Rien qu'un flux de pensées sans consistance jailli du magma de la peur.

Je regarde l'oiseau devant moi. Ne distingue plus ses yeux mais seul le bout de ses plumes bleues, l'extrémité de ses palmes qui fendent gracieusement la demi-obscurité.

Avec la profondeur les couleurs disparaissent. D'abord le rouge, l'orange, le jaune. Ensuite le vert et le bleu.

Au fond, tout s'affadit, se dilue en blanc, noir, marron. En rouille, rouille comme mes pensées qui voltigent, tourbillonnent, rebondissent contre les rochers.


Et si je prenais mon envol en ballon ivre pour remonter brutalement à la surface ?

L'air contenu dans mes poumons se dilaterait. Soudain trop gonflés, ils éclateraient et, oiseau éventré, poisson mort, je flotterais ventre en l'air, bras en croix, genoux fléchis sous le léger poids de mes nageoires terminales.

Et si je m'enfonçais, encore et toujours, si je ne cessais de m'enfoncer dans le noir, dans la rouille et le magma ? Aurais-je le temps de saisir les plumes de l'oiseau pour l'avertir que je tombe, que je m'écrase au fond, tout au fond ?

Stupide. Personne ne s'est jamais crashé en immersion.

Non, il ne faut pas que j'oublie.

J'ai devant moi un oiseau. Et moi aussi je suis un oiseau.

Un oiseau qui dit merde à la rouille, au magma, à cet ennemi intérieur qui le taraude et le divise.

D'un vigoureux coup de nageoires je dépasse les serres de mon congénère, glisse le long de ses rémiges, frôle le duvet de son cou. Ses yeux se tournent vers moi.

Lentement son pouce rejoint son index en une question muette.

- Tout va bien ?

Lentement mes doigts dessinent le même mouvement.

- Tout va bien.


45 metres 3L'oiseau ramasse un brin d'herbe sombre au fond de l'océan. Il me le tend.

Je le prends et m'aperçois aussitôt de ma méprise.

Ce n'est pas un brin d'herbe mais un lien abandonné par hasard, jeté par une main négligente ou décroché de la cale d'un bateau.

Alors que je le noue à mon poignet, l'oiseau me fait signe qu'il est temps de rejoindre le ciel.

Peu à peu, l'eau se reteinte de couleurs et le lien à mon bras d'orange vif.

Dans l'immensité du bleu, nous ne sommes finalement jamais seuls.

 

 

Ce matin-là, nous avons plongé à très exactement 46,8 mètres.

Les limites de profondeur de la plongée loisir se situent à 40 mètres,
après obtention de la certification "deep dive" (standard PADI).
Cette immersion ainsi que les précédentes à plus de 40
mètres furent pour moi inoubliables.
Merci à l'oiseau de m'avoir fait confiance pour m'ouvrir les grands fonds .
Une sacrée expérience physique, visuelle, psychologique... et nerveuse.

 

Par Chut ! - Publié dans : En profondeur... passion plongée
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