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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Le blog de Chut !
  • Femme
  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Lundi 12 janvier 1 12 /01 /Jan 03:19
J'aimerais que tu viennes chez moi avec tes pantalons, tes vestes, tes pulls, tes chaussures et tes chaussettes. Sans oublier tes livres, tes feuilles précieuses, tes vernis, tes fusains, tes brosses et tes parfums.

Enfin, surtout le parfum que je préfère et dont tu oublies toujours le nom. Celui qui me fait piquer du nez sur ton cou, te renifler comme un petit animal en couinant de plaisir, te léchoter les oreilles et les clavicules.

Ce parfum-là se marie si parfaitement à ta peau qu'il est devenu toi. Son goût d'ambre et de sel a d'ailleurs la saveur de toi. De ton épiderme, de ta salive, de ta sueur, de ton sperme.
Même parti, tu es chez moi encore, si près contre ma joue, ma poitrine, entre mes cuisses, reposant en chien de fusil sur le drap, la tête bercée par les oreillers.
Seule l'eau brûlante de la douche a le pouvoir de dissoudre notre alliance.

J'aimerais que tu viennes chez moi avec tes malles remplies de tes affaires et de tes rêves. Ceux taillés en cours de route comme de jolis costumes, mais aussi ceux remisés dans les placards.
Je te dirai de vite ouvrir ton barda pour ne pas les y oublier trop longtemps. Parce que renoncer à ses rêves, c'est mourir à l'étouffée sous la
douce et délétère cuisson du quotidien. Puis, une fois le feu arrêté, se découvrir racorni, calciné, bourrelé de remords, pétri de regrets.
Mais toi, toi, toi que j'ai vu indécis, je te voudrais heureux, accompli.
Alors prends mes mains pour te donner la force, mes épaules pour diviser tes peines. Repose-toi dans ma tendresse, réchauffe-toi à mon amour.

Dehors il fait froid mais dedans, chez moi, il y a les tapis si doux aux pieds, ma collection de chouettes bienveillantes qui nous protègent, mes cadenas nous liant de l'entrée à la chambre. Et dans la chambre le lit, notre bulle pour le plaisir, pour les mots, pour les larmes parfois. Pour les baisers qui s'achèvent en confessions, pour les confessions qui s'achèvent en étreintes.

J'aimerais que tu viennes chez moi avec tes malles
pour te faire de la place. Moi qui ai presque toujours vécu seule, au fil des années je me suis étalée pour remplir à ras bords les tiroirs, les placards, la penderie, les boîtes à bijoux, à outils et à couture.
De fil en aiguille, le chaos a grandi sur le désordre, l
es affaires proliféré sur les affaires.
Dans mon chez-moi plein comme un œuf, il
n'y a que les murs que je n'ai pu pousser.

Qu'à cela ne tienne. Si tu viens chez moi avec tes malles, les murs resteront en place mais je pousserai le reste. Tout mon fatras, tout mon fouillis,
jetant, triant, classant, rangeant toutes ces années de vie dans lesquelles tu n'étais pas.
Je ne pourrai même pas dire que je t'attendais, car tu m'es tombé dessus sans que je ne t'espère. À l'improviste, façon pot de fleurs qui m'a fendu le crâne et arrosé de terre.
Fière comme je suis, j'ai affiché ce sourire que tu connais si bien pour affirmer :
- Même pas mal.
Puis j'ai regardé la fleur et dit :
- Elle est belle... Je la garde, merci.

J'aimerais que tu viennes chez moi avec tes malles pour de l'essentiel, de l'accessoire, du futile.
Pour cuisiner des recettes à manger avec les doigts avant de commander des plats chez le traiteur, parce que notre repas était vraiment trop mauvais.
On se disputera sur qui a mis trop de sel ou pas assez graissé la poêle.
N
e tombant pas d'accord, nous casserons des assiettes juste pour le plaisir d'en sortir des neuves des cartons. Puis, fourbue, je me laisserai tomber sur le canapé.
La main que tu me tendras en signe de paix, je m'en emparerai pour attirer tes jambes entre les miennes, ouvrir ta braguette et glisser, dos cambré, ton sexe entre mes lèvres.

Le soir, il y aura deux halos de lumière au salon.
L'un, dirigé contre le mur, est la place du
papier grenu, celle d'où jaillissent de tes doigts des corps de femmes.
Beaucoup me ressemblent car tu aimes, dis-tu, mon corps, ses rondeurs et ses attaches fines.
Car je suis, dis-tu, devenue ton modèle et ta muse.

L'autre, dirigé sur une table basse, est l'espace de ma feuille blanche. Celle dont je lève à peine la tête parce que, si pleine de toi, les mots viennent, roulent et s'étendent, faciles, harmonieux, pour t'écrire.

Entre l'un et l'autre, il y aura la musique. La même qu'on écoutait tous deux avant sans le savoir, et qui formait déjà nos points de repère.
Plus tard tu poseras ton fusain, moi mon stylo.
Nous rejoindrons la chambre dans le noir, main dans la main et impatients, déjà tremblants de la jouissance à venir.
Et comme chaque nuit elle viendra, bouleversante.

C'est par une de ces nuits où arrivera ce que nous désirions, que nous espérions sans vraiment l'attendre, tout en étant prêts à l'accueillir.

Même l'eau brûlante de la douche n'aura pas le pouvoir de défaire cette alliance-là.

Oui, j'aimerais que viennes chez moi avec tes malles et que tu n'en repartes pas.

Par Chut ! - Publié dans : Andrea d'ébène
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